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Immunité des chefs d’États étrangers en exercice et obligation d’information du juge

Pénal - Pénal
11/09/2020
L’obligation d’informer du juge d’instruction sur tous les faits résultant de la plainte, sous toutes les qualifications possibles, trouve son fondement dans la seule nécessité pour lui de ne pas retenir une immunité pénale avant d’avoir vérifié les conditions de son application dans le dossier dont il est saisi. Tel est le principe rappelé par la chambre criminelle dans un arrêt rendu le 2 septembre 2020.
Le 26 novembre 2014, des personnes physiques et des associations ont déposé une plainte avec constitution de partie civile contre le président égyptien, des chefs de torture et d’actes de barbarie.
Par ordonnance du 27 avril 2016, le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris (aujourd'hui tribunal judiciaire de Paris) a dit n’y avoir lieu à informer sur la plainte et a déclaré irrecevables les constitutions de parties civiles de ces associations.
Leur avocat décide d’interjeter appel. Il soutient notamment que :
  • le juge d’instruction a l’obligation d’informer sur tous les faits résultant de la plainte, sous toutes les qualifications possibles, et que cette obligation n’est pas contraire, en son principe, à l’immunité de juridiction pénale des États étrangers et de leurs représentants ;
  • la coutume internationale s’oppose à ce que les chefs d’État en exercice puissent, en l’absence de dispositions internationales contraires s’imposant aux parties concernées, faire l’objet de poursuites devant les juridictions pénales d’un État étranger ;
  •  le droit international impose aux États une obligation procédurale d’enquêter en cas d’actes de torture.
Au cas particulier, les juges reviennent sur les conditions dans lesquelles les auteurs ou complices d’infractions commises hors du territoire de la République peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises. À savoir, soit lorsque la loi française est applicable, soit lorsque la convention internationale ou un acte pris en application du traité instituant les communautés européennes donne compétence aux juridictions françaises pour connaître de l’infraction.

Pour la Haute juridiction, c’est à tort que les constitutions de partie civile ont été déclarées irrecevables. Ceci pour deux raisons. Les faits dénoncés étaient de nature à causer au plaignant un préjudice personnel et direct. En outre, ajoute-t-elle : « l’obligation d’instruire de la juridiction d’instruction, régulièrement saisie d’une plainte avec constitution de partie civile, cesse si, pour des causes affectant l’action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à les supposer démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ».

Pour autant, elle juge que l’arrêt n’encourt pas la censure : « Si le juge d’instruction a généralement l’obligation d’informer sur tous les faits résultant de la plainte, sous toutes les qualifications possibles, et si cette obligation n’est pas contraire en son principe à l’immunité de juridiction des États étrangers et de leurs représentants, celle-ci trouve son fondement dans la seule nécessité pour le juge de ne pas retenir une immunité pénale avant d’avoir vérifié les conditions de son application dans le dossier dont il est saisi ».

La Cour de cassation estime que la plainte avec constitution de partie civile déposée en l’espèce est claire et précise dans ses imputations des faits dénoncés : « de sorte qu’aucun acte d’information n’est nécessaire pour dire que le principe d’immunité pénale, reconnue par la coutume internationale au bénéfice des États et des chefs d’État en exercice, doit être retenu. En conséquence, le moyen doit être écarté ».